«Un lieu à soi», Virginia Woolf, 1928

Jamais je n’aurais pensé que Virginia Woolf était si abordable, si agréable à lire.

Une narratrice imaginaire fait une conférence dans une université de filles autour de «Les femmes dans la fiction».
Pendant deux jours, elle a déambulé dans Londres pour étayer son propos, allant dans une université d’hommes, une de femmes, une bibliothèque, un restaurant et les rues de Londres.

Ce procédé rend l’essai très imagé, mais aussi très sarcastique: interdiction de marcher sur la pelouse réservée aux professeurs et aux étudiants masculins, rayonnages de bibliothèque essentiellement masculins, essais masculins sur les femmes (jamais l’inverse), une poignée d’autrices du XVIIIe siècle, un peu plus au XIXe, mais uniquement des romans…

Elle y aborde la vision masculine de la femme dans la fiction, aussi bien en tant que sujet/objet qu’en tant qu’écrivaine.

La femme n’a pas d’Histoire. Celle de ses mères et grands-mères est enfermée entre quatre murs et treize enfants.
L’homme, dans une société où il faut faire sa place, a besoin de se sentir supérieur. La femme est son inférieur idéal, son «miroir grossissant».

L’enfermement des femmes les a rendues imaginatives et a donné une spécificité à leur écriture que l’autrice qualifie de féminine.
Virginia Woolf a envie de cette écriture, de cette sensibilité, de conversations entre femmes, n’a plus envie de lire les hommes, leurs guerres, leur emprise, leur intégrité innée présumée…

Les femmes de sa génération écrivent pour l’art et non plus seulement comme expression de soi. Elles ne sont plus seulement romancières.

Mais écrire, si c’est un art, a aussi besoin d’apports bassement matériaux: bien manger, avoir des revenus, un lieu à soi.

Elle exhorte les femmes de sa génération à s’instruire, à s’aimer les unes les autres, à écrire comme des femmes, tout en exploitant leur part masculine (aux hommes d’exploiter leur part féminine).
Chacun des sexes a tout à y gagner et la littérature n’en sera que plus riche.

Quelle lecture!
Saviez-vous qu’elle est à l’origine du test de Bechdel?
(Re)Lisez-le! Cet essai n’a jamais été autant d’actualité!

Trad. Marie Darrieussecq

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