« Nickel boys », Colson Whitehead

Elwood Curtis, abandonné par ses parents, élevé par sa grand-mère dans le respect de la religion et de la loi, est un garçon exemplaire. Il étudie sérieusement, se lève tôt le matin, travaille pour aider financièrement, écoute en boucle un discours de paix du révérend Martin Luther King… S’il se bat pour les droits civiques des noirs, contre l’Amérique ségrégationniste des années 60, c’est pacifiquement.

Il obtient un ticket gagnant pour l’université tant ses résultats scolaires sont excellents. Mais en chemin vers son avenir lumineux, Elwood croise le mauvais larron.
Arrestation. Jugement. Injustice. Enfermement.
L’enfer commence pour Elwood à la Nickel Academy, où l’on redresse les mauvais garçons à coups de fouet, de sévices, de privations de nourriture, de viols…
Seul Turner sera sa bouée de sauvetage dans ce gouffre immonde.

Dans un style détaché et journalistique, mais très littéraire, Colson Whitehead s’inspire d’une autre école du même acabit que la Nickel Academy pour raconter ce que subissent les enfants quand on les prive de famille, de parents, d’amour; quand on les livre à la cruauté d’adultes tantôt pervers, tantôt indifférents.

La blessure n’est pas refermée. L’école qui a inspiré cette histoire, la Dozier School, vient de livrer son charnier où des dizaines de corps torturés ont été jetés là au cours du XXe siècle, dans l’indifférence générale.
Mais comme le dit Elwood, s’il y en a une comme celle-ci, il y en a d’autres quelque part aux États-Unis; d’autres quelque part dans le monde…

C’est un livre bouleversant où l’auteur, avec grand art, fait de son lecteur le propre juge de ce qu’il observe tout au long du récit. À aucun moment le narrateur n’intervient pour s’outrer, se plaindre, charger l’histoire d’émotions fortes, tenant la surenchère de violence à distance. Au lecteur de comprendre. Jusqu’à cette fin, où là, bien sûr, on ne peut que s’effondrer.

Moi qui ne suis pas friande de littérature américaine, je lirai sans aucun doute le précédent, « Underground Railroad ».

Qu'en dites vous ?