Sur le Mont Ararat, les bergers se transmettent la légende de cet oiseau blanc mystérieux qui, au printemps, vient trois fois tremper son aile dans le lac Kup.
Tout commence quand un cheval blanc splendide s’offre à Ahmet le montagnard.
Ahmet le chasse par trois fois, mais le cheval revient. C’est le signe que l’animal est un don de Dieu.
Le cheval appartient au seigneur local, puissant et cruel, à qui les Beys (ses vassaux) obéissent promptement.
Par la ruse et faisant fi des traditions, ils font enfermer Ahmet et le sage du village.
Tous deux se consolent avec le son de leur flûte.
Gulbahar, la fille du pacha sanguinaire, tombe amoureuse d’Ahmet et de ses somptueuses mélodies. Avec la complicité du geôlier, les deux amants se retrouvent.
À l’annonce de la condamnation à mort d’Ahmet, Gulbahar dépérit et le peuple se soulève.
Ce conte est présenté dans la plus pure tradition orale des contes du Proche-Orient: les méchants sont très méchants et puissants, il y a des trahisons, les têtes tombent à la pelle, et surtout on brode, on amplifie, on exagère sentiments et réactions… Tout est dans l’emphase et la théâtralisation.
Je m’imagine très bien raconter cette histoire à des enfants m’écoutant les yeux écarquillés d’horreur et de plaisir.
Mais derrière cette légende presque enfantine écrite d’une plume sublime, se cache un sujet lourd de sens: la révolte d’un peuple, kurde ici, contre la puissance de l’Ottoman. C’est toute la paysannerie du Mont Ararat qui se soulève contre l’injustice et la négation de leurs traditions.
Situer sa légende sur le Mont Ararat n’est pas anodin : ce volcan était le point culminant de l’Arménie occidentale, habitée essentiellement par des Kurdes. Aujourd’hui, ce mont est en territoire turc et la région a été rebaptisée Anatolie orientale.
Yaşar Kemal, dont le père est kurde, fait de ce conte écrit en 1970, un texte hautement politique.
Je vous parlerai dans un autre article de ce grand écrivain.
3 comments On «La légende du Mont Ararat», Yaşar Kemal, 1996, Gallimard
Merci pour cette découverte.
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C’est très intéressant. Je note car cela me donne envie de découvrir cet auteur.