Voici bien un droit qui nous est refusé: avoir un nom de métier clair, unanime et porteur de sens. Auteur est le seul nom en -teur qui n’aie pas un féminin bien arrêté. Nous, lectrices autrices d’avis littéraires, avons un rôle à jouer sur les blogs, les avis Babelio et autres sites, sur Instagram.
Les plus grands changements sont venus d’en bas. Et parce que le 8 mars c’est l’occasion de s’engager pour les luttes féministes, je m’engage et je vous engage.
L’utilisation du féminin de « auteur » n’est qu’anarchie et arguments fallacieux : ça sonne mal, on s’en fout, c’est pareil, «auteur» est neutre et représente le génie artistique…
Qu’est qu’il faut pas entendre…!
Je vous propose quelques constats étayés par des exemples relevés ces dernières années, puis je vous parle du poids des mots et enfin je vous propose des solutions.
Histoire…
Le mot «autrice» existait et était employé avant le XVIIe siècle en France (rarement puisque les femmes n’avaient pas accès à l’éducation et aux métiers rémunérés réservés aux hommes. Quant à être publiées, n’en parlons pas…) Je vous invite à lire le post de @enquete_dautrices sur Instagram à ce sujet. Clair et précis.
Voilà qu’il revient sur le devant de la scène depuis 2010, mais qu’il ne parvient pas à s’imposer. Et pour cause, quelques bons penseurs ont eu l’idée d’ajouter un « e » lorsqu’ils parlaient « d’une auteure ». Des dents ont grincé, mais l’œil et l’oreille s’y sont plus ou moins faits.
Sauf que ce mot est québécois, pas français. Au Québec, d’ailleurs, nombreuses sont celles qui tentent de convaincre de l’importance de l’utilisation du mot «autrice».
Beaucoup d’incohérences…
Dans le dernier Houellebecq, publié chez Flammarion, l’auteur emploie « une auteur » (et « une professeur ») sans «e», puis plus loin « Agatha Christie est un auteur que… ».
Dans le numéro spécial de Lire Magazine Littéraire, le mot «auteure» est en couverture, mais Baptiste Liger, dans son édito, utilise le mot « autrice » dès la page 6. Ce terme sera repris tout au long du magazine, même si les termes «écrivaine» et «femme de lettres» (terme bien vague) seront privilégiés.
Poétesse sera par contre totalement boycotté par le magazine.
Dans la dernière traduction de Marie Darrieussecq de l’essai de Virginia Woolf « Un lieu à soi », la traductrice dit: «Virginia Woolf est un auteur précis, une autrice précise» (p.10 dans l’édition Folio). Partout ailleurs, c’est le mot «auteure» qui est utilisé.
Des exemples comme celui-ci dans l’édition récente, j’en ai des dizaines.
Mais certaines maisons d’édition, Rue de l’échiquier par exemple, ont fait leur choix et sont cohérentes en utilisant uniquement le mot «autrice».
Même constat à la radio où là, l’utilisation de l’un ou de l’autre a tout son poids compte tenu de l’absence de visuel.
J’écoute majoritairement France Culture et Inter. Les journalistes utilisent souvent «autrice», mais encore beaucoup disent «auteur» (avec un «e »?)
Sur Wikipédia, c’est le mot «auteure» qui est utilisé dans le résumé bibliographique, mais une grande partie des articles est rédigée avec le mot «autrice».
De l’intérêt de cette lutte…
À la suite d’une de mes stories à ce sujet, un charmant bookstagrameur m’a répondu «ON S’EN FOUT !!». Oui, oui, comme ça, en majuscules. Je me demande qui est ce « on »…
Qui doute encore de la portée des mots et de leurs conséquences politiques, éducatives et sociétales (si c’est le cas, je vous invite à lire les nombreuses études linguistiques et sociologiques sur le sujet).
Supprimer un mot, c’est supprimer l’existence du concept qu’il nommait.
Poutine a interdit le mot «guerre» dans la presse et sur Internet. Dans l’esprit des Russes, il n’y a pas de guerre, juste une «opération commando» pour dénazifier l’Ukraine.
Lorsque l’Académie Française interdit le mot «autrice» il n’y a plus d’autrices (en mathématique, en physique, en Histoire…), mais il y a des «romancières», très connotées proche de la «romance».
Alors non, on ne s’en fout pas. Même si certaines oreilles sont écorchées, car non habituées, ce mot est important, hautement politique et revendicateur.
Une langue est avant tout un outil de communication, pas une poésie quotidienne.
Notre langue a été volontairement complexifiée au XXIe siècle pour en faire un outil de sélection réservé à l’élite.
Que faire…
Bien sûr, l’Académie Française pourrait trancher et imposer ce mot, au lieu de parler de «tolérance» (terme démagogique et frileux), comme pour le « h » de « haricot». En 2016, elle a su imposer la réforme de l’orthographe de 1990 à tous les éditeurs d’ouvrages pédagogiques (uniquement).
Les éditeurs et éditrices ont leur part à jouer; la presse également.
N’hésitez pas à relever et à leur signaler leurs erreurs: intolérance totale pour « un auteur » ou « une auteur » quand ça concerne une femme, en leur demandant explicitement d’utiliser le mot « autrice » pour des raisons de « droits des femmes à la féminisation des noms de métiers ».
Dans les blogs littéraires, les avis sur les différents sites dédiés, sur bookstagram, où les lectrices sont majoritaires, où elles savent donner des avis pertinents et affirmer leurs gouts, où elles se montrent d’ailleurs autrices elles-mêmes d’excellents avis littéraires; ces lectrices autrices ont un rôle à jouer.
Je vous propose d’utiliser le mot «autrice» dans vos billets, et d’y ajouter systématiquement le hashtag #autrice. Nos alliés masculins sont les bienvenus dans cette lutte pour nos droits.
De mon côté, pour la 3e année, je vais continuer de mettre les autrices à l’honneur en lisant autant de femmes que d’hommes, voire plus.
La pile est faite pour les prochains mois. Des autrices que je vais retrouver, d’autres que je vais découvrir, grâce notamment à mes copines @missk_paris @la_derniere_scene et @toutcequejaimais.
Autrices, lectrices, narratrices, éditrices, illustratrices, correctrices, créatrices, productrices, sculptrices, reportrices, compositrices, directrices, actrices… nous sommes là !
11 comments On C’est AUTRICE. Point!
Non. C’est AUTEURE.
Ben non. C’est un mot inventé par les Québécois en 1970. Ce n’est pas du français.
Regarde Le Robert, il ne propose que autrice comme féminin.
Le Larousse propose encore les deux, mais auteure n’a aucune origine française ou historique.
Ça manque un peu d’argumentation 🤔
Parfois les résistances les plus réactionnaires sont les moins réfléchies.
Mais je suis une optimiste et je sais que seul.es les imbéciles ne changent pas d’avis.
Je crois que « Je n’aime pas c’est tout » est l’argument le plus dangereux que l’on puisse donner pour justifier un avis. Il conduit aux pires comportements sectaires, sexistes et xénophobes.
Non, ce n’est pas aux écrivaines de choisir, même si de plus en plus elles revendiquent ce terme.
Personne ne choisit le nom de son propre métier. La langue est un bien commun, c’est un outil de communication et de représentation. Elle n’est plus réservée à une élite pensante qui par goût ou par exclusion des pauvres et des femmes, la complexifie et l’atrophie. Parce que c’est ça l’histoire de notre langue depuis le XVIIe siècle.
Et si ta réticence n’est qu’une question de sonorité, dis-toi que tous ceux et toutes celles qui ont adopté ce mot ont, avant, dû passer ce cap. L’oreille n’aime pas qu’on bouscule ses habitudes. Mais finalement on s’y fait assez vite.
Ne serait-ce pas une écrivaine puisque c’est une femme? Ou bien ce mot n’existe-t-il pas non plus?
Revoyez toutes les deux vos leçons d’histoire: le mot autrice n’est pas nouveau. Le mot auteure l’est.
Si vous cherchez des éditions du Larousse de 1900, vous trouverez autrice, pas auteure.
Celleux (oula, je vous ai perdue…) qui s’ouvrent à une évolution de la langue, font de notre langue une langue vivante, et m’intéressent plus que cette « espèce boomer » en voie d’extinction (fort heureusement), qui ne sait que dire « c’était mieux avant » et fait son beurre en assassinant les mots des autres.
Je ne défends pas qu’une langue inclusive. Je défends aussi une simplification de l’orthographe, pour que notre langue soit accessible au plus grande nombre et qu’on arrête, à l’école, de passer des milliers d’heure sur des incohérences lexicales pour se concentre sur la richesse du vocabulaire (et de la littérature) qui lui est en train de s’appauvrir terriblement.
J’ai appris depuis longtemps à ne pas débattre avec les rétrogrades et j’ai déjà perdu assez de temps…
C’est quoi ce sermon ? Ce laïus ? J’ai passé l’âge de me faire en******* , j’espérais avoir la paix, assez de connaissances et de confiances en mes propres opinions arrivée à l’âge de la retraite… Mais non, ya encore des gens qui veulent à tout prix avoir raison et imposer leur opinion aux autres.
C’est drôle… j’avais pourtant l’impression que nous étions sous MON article, sur MON blog et que nous parlions de MES recherches sur le mots autrice. Lisez celleux qui sont d’accord avec vous si vous voulez avoir la paix et fichez la paix à mon blog chère retraitée 😉
Effectivement beaucoup pensent que c’est un point secondaire mais non, c’est meme primordial… cela revient à nous invisibiliser encore plus alors il faut revendiquer les noms de métiers féminins !
Tout à fait. Le masculin n’est pas un neutre.
Merci de ton commentaire 🙏🏼
J’utilise le mot autrice depuis un bon moment. Même si au début, il sonnait bizarre à mes oreilles ! Depuis je m’y suis habituée et je le chéris. Une autrice, c’est aussi une matrice d’idées, de points de vue, de changements.
Oooh 😍 Elle est belle cette dernière phrase.
(Moi aussi j’ai du me faire à cette sonorité, comme sculptrice, poétesse, peintresse… certains passent plus difficilement d’ailleurs).
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