«Ankara», Yakup Kadri Karaosmanoğlu, 2008 (1934 en turc), Éditions Turquoise

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Ankara et pas Istanbul ?
Comment une ville perdue en plein cœur de l’Anatolie a pu se retrouver la capitale de la Turquie, alors que la vieille et belle Istanbul règne sur le Bosphore depuis des siècles?

Atatürk!

Tout commence par la chute de l’Empire ottoman définitivement anéantit par la Grande guerre. L’empire est du côté des perdants. Les gagnants européens se servent allègrement dans les anciens territoires et occupent Istanbul.

Les jeunes patriotes s’organisent dans la steppe anatolienne autour Mustafa Kemal pour repousser l’envahisseur et créer la Turquie moderne.

Selma, l’héroïne de cette histoire, est toute la modernité de la femme turque de cette époque.
Débarquée à Ankara en 1921, alors que la future capitale n’est qu’un village pauvre traversé par des chèvres angoras (angora/Ankara), elle voit peu à peu les quartiers et les gens évoluer et s’occidentaliser.

En 20 ans, la ville explose, multiplie ses beaux quartiers et sa population, développe son administration, sa culture, ses théâtres, son sport…

Selma est une jeune fille timorée à son arrivée. Elle coud, s’ennuie, soigne son intérieur pour un mari sans envergure.
Elle s’engage dans la lutte contre les Alliés, divorce, se remarie à un homme qui s’enrichit grâce à toutes les affaires financières qu’il est possible de faire dans cette région en pleine explosion.

Sa vie de patachon va vite la lasser. Ce qu’aime Selma, c’est l’engagement…

Yakup Kadri fait des portraits parallèles subtils de l’Ankara des années 20 et de Selma qui y arrive à 20 ans. Toutes deux vont évoluer et symboliser la nouvelle République, la rudesse, la résistance et l’indépendance.

C’était un pari risqué des années 20, la ville, comme la femme turque a connu des moments difficiles, mais c’est un pari gagné.
Peu de pays musulmans peuvent se vanter d’être à la fois indépendants face à l’Occident et face à l’Islam misogyne.
Pourvu que ça dure!

D’une incroyable modernité et très féministe pour un roman de 1934, c’est une découverte intéressante du Printemps de la littérature turque.

Trad Ferda Fidan

2 comments On «Ankara», Yakup Kadri Karaosmanoğlu, 2008 (1934 en turc), Éditions Turquoise

  • Très envie de le lire. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi quand tu dis que le pays est indépendant face à l’Islam misogyne. Il me semble bien qu’avec leur dirigeant actuel, la femme turque a perdu des libertés, notamment au niveau de l’habillement. Beaucoup se voilent à nouveau.

    • Oui, c’est vrai, mais c’est de l’auto censure. Il n’y a pas de loi qui l’impose comme en Iran, en Algérie ou en Arabie Saoudite.
      Le repli communautaire est partout. La Turquie est le seul pays à majorité musulmane laïc. Espérons que l’aire Erdoğan aura une fin 🙏🏼

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